Un mot, six lettres, et le rideau tombe : thuya. Derrière ce nom, l’image d’une haie bien taillée ou d’un bois précieux – mais dans l’ombre, une méfiance grandit. Pourquoi ce conifère, si prisé des jardiniers et des artisans, se retrouve-t-il aujourd’hui sur la liste noire des douanes françaises ? À travers les vitrines des boutiques exotiques, le parfum boisé du thuya semble inoffensif. Pourtant, l’arbre cache un passé chargé de légendes, de pratiques douteuses, et de secrets qui ne passent plus la frontière aussi facilement.
Le thuya ne se contente pas d’être un simple végétal : il porte en lui des siècles d’histoire, de migrations botaniques et de débats réglementaires. Entre fascination méditerranéenne et interdiction pure et simple, ce conifère donne matière à réflexion. Que redoutent vraiment les autorités françaises ? Une question qui pique la curiosité autant qu’elle attise la controverse.
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Plan de l'article
- Le thuya, un arbre longtemps plébiscité dans les jardins français
- Pourquoi le thuya suscite-t-il aujourd’hui la méfiance des autorités ?
- Toxicité, biodiversité, risques sanitaires : les véritables motifs de l’interdiction
- Quelles alternatives privilégier pour des haies respectueuses de l’environnement ?
Le thuya, un arbre longtemps plébiscité dans les jardins français
Le thuya fait partie de la grande famille des conifères. Originaire d’Amérique du Nord, il débarque en Europe au XVIe siècle, d’abord dans les collections de plantes rares, puis directement dans les massifs et allées de nos jardins. Deux variétés se taillent la part du lion : le thuja occidentalis, surnommé cèdre blanc ou thuya du Canada, et le thuja plicata, connu aussi sous le nom de red cedar ou thuya géant. Très vite, les paysagistes s’emparent du phénomène.
Dans les années 1960-1970, la haie de thuya devient une star. Croissance express, feuillage persistant, efficacité pour cacher les regards et casser le vent : sur le papier, le thuya coche toutes les cases. Les collectivités succombent, les particuliers adoptent, les catalogues regorgent de variétés au tempérament bien marqué :
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- Brabant : croissance robuste, silhouette compacte
- Smaragd : vert éclatant, port effilé
- Atrovirens : tolère les coupes répétées, rustique à souhait
- Excelsa : pousse vite, idéal contre les bourrasques
Mais le thuya ne se limite pas à l’art topiaire. Son bois – le fameux red cedar – traverse l’Atlantique, convoité pour la menuiserie et le bardage. Bien avant la mode, les peuples autochtones d’Amérique du Nord l’utilisaient déjà pour façonner canoës ou coffres, et même pour couvrir les toitures. À une époque, le thuya servait aussi à lutter contre le scorbut, preuve de sa place singulière dans le patrimoine végétal et artisanal.
Résistant, peu exigeant, pratiquement immunisé contre les maladies : voici un arbre qui semblait imbattable. Partout où la terre manquait de vie ou s’asphyxiait sous la pollution, le thuya était recommandé comme plante de la dernière chance.
Pourquoi le thuya suscite-t-il aujourd’hui la méfiance des autorités ?
Longtemps, la haie de thuya a incarné la solution miracle pour délimiter un terrain, effacer les vis-à-vis, et structurer les espaces urbains. Mais, à y regarder de plus près, ce conifère ne rend guère service à la nature locale. Pas de fleurs pour les abeilles, pas de fruits pour les oiseaux, un sol appauvri par l’acidité de ses aiguilles : derrière le rideau vert, la vie se fait rare. Les écologues n’hésitent plus à le surnommer « béton végétal ».
Là où le thuya s’installe, la biodiversité recule. Même le sol finit par se stériliser, incapable d’accueillir d’autres plantes. La Suisse a pris les devants : troquez vos thuyas contre des essences locales et vous toucherez des aides. JardinSuisse, la fédération des horticulteurs suisses, encourage clairement à délaisser les conifères exotiques pour redonner de la place aux arbustes indigènes, refuges naturels des insectes et des oiseaux.
Les textes de loi suivent : la loi fédérale sur la protection de l’environnement (LPE) et celle sur le patrimoine naturel orientent la gestion des espaces verts vers plus de diversité. La Charte des jardins pousse à des pratiques écologiques : pas de chasse aux sorcières contre les thuyas déjà plantés, mais une vraie valorisation des espèces locales.
- Sol acidifié : les rameaux décomposés rendent la terre pauvre
- Faible ressource : ni nectar, ni pollen, ni baies pour la faune
- Effet de barrière : empêche le déplacement de nombreux animaux
Ici, la question dépasse la simple esthétique. Il s’agit de restaurer des couloirs de vie, de reconnecter les morceaux de nature et de réinviter la biodiversité dans les jardins privés comme sur l’espace public.
Toxicité, biodiversité, risques sanitaires : les véritables motifs de l’interdiction
Si le thuya est banni, ce n’est pas qu’une affaire de paysage. Le Thuja occidentalis contient une substance redoutée : la thuyone. Présente dans le feuillage et les rameaux, cette molécule représente un danger réel pour de nombreux animaux domestiques. Un cheval, un chien ou un chat qui mâchouille une branche : le risque d’intoxication est bien réel, parfois avec des conséquences dramatiques. Les travaux de taille, eux, exposent les jardiniers et paysagistes à des irritations, voire à des réactions allergiques chez les plus sensibles.
- Toxicité animale : ingestion de rameaux, empoisonnement possible chez les animaux de compagnie et d’élevage
- Irritations humaines : contact cutané avec la sève, vigilance nécessaire lors de la coupe
Si les enfants ne courent pas un grand danger, la menace pèse lourd sur la faune domestique. Le thuya fait partie de ces végétaux venus d’ailleurs qui concurrencent la flore indigène. Les espèces locales, elles, nourrissent et abritent la faune ; le thuya, non. Résultat : les jardins perdent en diversité, les espaces publics deviennent plus uniformes.
Le groupe des espèces exotiques envahissantes réunit toutes ces plantes qui, en proliférant, nuisent à la biodiversité. Avec le thuya, on observe :
- sols de plus en plus pauvres
- insectes qui se font rares
- petits mammifères et oiseaux freinés dans leurs déplacements
À l’heure où le jardinage se veut durable, où la gestion des espaces verts cherche à réparer les dégâts du passé, miser sur le thuya revient à rebrousser chemin.
Quelles alternatives privilégier pour des haies respectueuses de l’environnement ?
Pour restaurer la vie autour des maisons et des espaces partagés, rien de plus efficace que de choisir des essences locales. Les arbustes indigènes s’intègrent sans forcer : ils offrent abri et nourriture à la faune, sans transformer le sol en terrain désertique.
- Cornouiller mâle (Cornus mas) : fleurs précoces, festin pour pollinisateurs
- Sureau noir (Sambucus nigra) : baies appréciées des oiseaux, multiplication naturelle des plants
- Genévrier commun : brise-vue naturel, refuge pour insectes
Les haies composées de chèvrefeuille, viorne, troène, buis ou houx multiplient les étages, diversifient les ressources : oiseaux, papillons, petits mammifères y trouvent chacun leur place. Un vrai patchwork vivant, conforme aux recommandations de JardinSuisse, qui mise tout sur les arbustes indigènes pour bâtir des haies évolutives, dynamiques, et sans danger pour l’environnement.
Autre avantage : de plus en plus de collectivités financent la plantation d’essences régionales, histoire d’accélérer la transition vers des haies plus variées. La diversité végétale, c’est aussi renouer avec une esthétique mouvante, où chaque saison invente de nouvelles couleurs et de nouveaux abris. Adieu les murs monotones, bonjour la vie en mouvement.